ANNEXE 4 : INTERVENTION DE L’INFIRMIÈRE AUXILIAIRE DANS LES SITUATIONS D’URGENCE
4.1 Dans un contexte de soins
4.1.1 Manœuvres de RCR
Dernièrement, au Québec, la question de l’importance de respecter les volontés des patients, notamment en fin de vie, et de leur offrir des soins respectueux de leur dignité et de leur autonomie occupe une grande place dans nos préoccupations sociales.
Plusieurs modifications aux lois et règlements ont déjà été apportées à ce sujet. On peut penser, entre autres, à l’adoption de la Loi concernant les soins de fin de vie qui encadre notamment l’aide médicale à mourir et les directives médicales anticipées. Également, on peut citer en exemple l’obligation de tenir compte des volontés exprimées par le résident lors d’un arrêt cardiorespiratoire qui a été intégrée au le Règlement sur la certification des résidences privées pour aînés.
Le Code de déontologie des infirmières et infirmiers auxiliaires stipule également une obligation à cet effet en énonçant à son article 9 que « [l]e membre doit entretenir une relation de confiance et de respect mutuel avec un patient. À cette fin, il doit notamment adopter une approche personnalisée respectant les valeurs et les convictions du patient. »
Par conséquent, les volontés de non-réanimation d’un patient doivent être portées à la connaissance de l’équipe de soins, incluant l’infirmière auxiliaire, et respectées par celle-ci, lors d’un arrêt cardiorespiratoire. Ceci est applicable dans tous les milieux, que cela soit en établissement de santé, en résidence privée pour ainés (RPA) ou en ressource intermédiaire (RI), pour ne nommer que ceux-ci.
Ainsi, l’infirmière auxiliaire a l’obligation1 de débuter sans délai les manœuvres de RCR, à moins que le patient ait manifesté son refus d’être réanimé et qu’il n’y a aucune ambigüité quant à ce refus. Comme le patient a le droit en tout temps de changer d’idée, il est très important que l’équipe de soins soit attentive aux volontés exprimées par le patient et que celles-ci soient consignées clairement à son dossier que ce soit, notamment, à l’aide de directives médicales anticipées (DMA), du mandat en prévision de l’inaptitude, d’une ordonnance de non-réanimation, de niveaux d’intervention médicale ou de niveaux de soins.
Par ailleurs, bien que non obligatoire, l’OIIAQ recommande fortement à ses membres de maintenir à jour la formation RCR. Non seulement une infirmière auxiliaire doit mettre à jour ses connaissances et perfectionner ses aptitudes et habiletés, selon l’article 3 de son Code de déontologie, mais cela lui permet d’intervenir rapidement et adéquatement lors d’un arrêt cardiorespiratoire. Comme l’article 13 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers auxiliaires énonce l’obligation d’intervenir promptement auprès d’un patient lorsque son état de santé l’exige, une plainte peut être portée devant le Conseil de discipline contre une infirmière auxiliaire qui manque à cette obligation.
Voici deux cas où des infirmières auxiliaires ont été sanctionnées pour cette raison.
Dans le premier cas 2, une infirmière auxiliaire n’a pas débuté les manœuvres de RCR, et ce, à deux reprises. La première fois, ce sont les ambulanciers qui ont débuté les manœuvres à leur arrivée, alors que la deuxième fois, c’est une préposée aux bénéficiaires qui les a débutées, pendant que l’infirmière auxiliaire lançait un appel au 911. Dans ce cas, il a aussi été reproché à l’infirmière auxiliaire d’avoir quitté les lieux et d’avoir plutôt demandé à une préposée aux bénéficiaires de rester au chevet du patient. Comme l’écrit le Conseil de discipline, « lorsqu’une infirmière auxiliaire retrouve un résident inanimé, elle doit agir avec diligence et avoir comme premier réflexe de lui porter secours en lui administrant des soins ou des traitements appropriés, soit en intervenant rapidement par des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire. […] Le public est en droit de s’attendre, lorsqu’une telle situation se produit, à une intervention spontanée de la part des membres de l’Ordre. » Cette infirmière auxiliaire a été sanctionnée par une radiation temporaire de trois mois pour ces chefs.
Dans le deuxième cas 3, la plainte contre l’infirmière auxiliaire comportait un seul chef d’infraction, soit une omission d’intervenir promptement auprès d’une résidente, en ne débutant pas les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire. Comme l’écrit le Conseil de discipline, « prise d’émotion et de panique, elle sort de l’appartement, situé au troisième étage, et se dirige, au rez-de-chaussée, au bureau médical pour appeler la directrice des soins infirmiers, le 911, puis la famille de la résidente pour obtenir des directrices de réanimation, car aucune feuille d’intervention ni de direction à cet effet ne se trouve au dossier. » Ce sont les ambulanciers qui ont débuté les manœuvres, à leur arrivée, soit 15 minutes après l’appel logé au 911. L’infirmière auxiliaire aurait dû demeurer avec la résidente et débuter les manœuvres de RCR car il n’y avait aucune indication contraire dans le dossier. Cette infirmière auxiliaire a été sanctionnée par trois mois de radiation.
4.1.2 Lorsque la vie de son patient est en péril
Le but de ce document est de présenter le cadre légal et règlementaire qui définit le champ d’exercice de l’infirmière auxiliaire. Celle-ci doit s’assurer de le connaître et d’exercer la profession à l’intérieur de ce cadre. Il y a une exception à cette règle, soit lorsque la vie d’un patient est en péril. Dans ce cas, exceptionnellement, l’infirmière auxiliaire pourrait exercer une activité qui ne lui est pas réservée pour sauver son patient.
Tel qu’énoncé par l’article 7 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers auxiliaires, « le membre doit viser au maintien de la vie, au soulagement de la souffrance, au traitement de la maladie et à la promotion de la santé. »
Voici un exemple pour illustrer nos propos. Bien que l’administration d’oxygène requière, dans des circonstances régulières, une ordonnance ou un PTI, l’infirmière auxiliaire devrait en débuter l’administration dans une situation d’urgence, à défaut de joindre un médecin ou une infirmière rapidement.
4.2 À l’extérieur d’un contexte de soins
4.2.1 Lorsque la vie de toute personne est en péril
L’article 2 de la Charte des droits et libertés de la personne énonce que « [t]out être humain dont la vie est en péril a droit au secours. » Ainsi, intervenir pour porter secours ou obtenir secours pour autrui est une responsabilité sociale qui incombe à tout citoyen. Pour une professionnelle de la santé telle une infirmière auxiliaire, c’est une obligation qui prend tout son sens.
À titre d’exemple, une infirmière auxiliaire qui est témoin d’un accident de la route doit porter secours aux victimes de cet accident, si la scène d’accident lui permet de le faire de façon sécuritaire pour elle. Le coroner Sanfaçon souhaitait que les ordres professionnels œuvrant dans le domaine de la santé rappellent à leurs membres « l’obligation d’intervenir et l’importance de poursuivre les manœuvres de réanimation jusqu’à l’arrivée des services d’urgence. ». Comme il le mentionnait dans son rapport,4 bien que l’accidenté de la route faisant l’objet de son rapport avait subi des blessures mortelles, il ne présentait pas de critères de mort évidente. Par conséquent, comme les personnes présentes sur place, incluant une professionnelle de la santé, n’avaient pas l’autorité d’établir que ses chances de survie étaient nulles, ces personnes ne pouvaient déterminer que les manœuvres de réanimation étaient inutiles ou pouvaient être interrompues.
1 Article 13 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers auxiliaire
2 Bélanger c. Leclerc-Duval, 2018 Canlii 114317
3 Bélanger c. Brochu, 2017 Canlii 89052
4 Dr Martin Sansfaçon, Bureau du Coroner, Québec, Rapport d’investigation du coroner 2017-03348, 2017-06-22